jeudi 29 mars 2012

Jeanne de Jacqueline de Romilly


Jeanne de Jacqueline de Romilly

Certains livres vous tombent dans la main, et vous éprouvez déjà une affection toute particulière. Jeanne de Jacqueline de Romilly en est le parfaite exemple. Emérite helléniste, qui s’est battue jusqu’au dernier souffle en faveur des lettres anciennes et plus largement des humanités, cette grande femme nous transmet un livre tout en retenue et en pudeur sur sa mère. Et ce livre a un parcours peu banal. Ecrit en 1977 après le décès de sa mère, Jacqueline de Romilly a fait promettre à son éditeur de le publier après sa propre mort.

C’est donc l’histoire de Jeanne qui nous est présentée. Le portrait s’esquisse puis se construit de pages en pages. Femme de savoir, infatigable et travailleuse, écrivain aussi, elle perd tragiquement son mari pendant la guerre de 14. Sa vie prend alors un tout autre chemin : elle vivra pour sa fille, pour sa réussite : ce sera son unique désir. Elle lui transmettra des valeurs, sa détermination, sa curiosité intellectuelle et son ambition. C’est ainsi que nous découvrons la jeunesse de Jacqueline, ses espoirs et ses brillants succès. Ce n’est pas seulement le portrait d’une mère qui est ici évoqué, c’est aussi le portrait d’une société reflétant la vie intellectuelle du début du XXème avec ses aspirations et espoirs pour l’avenir.

Bien plus, ce livre est un doux récit, un témoignage sensible, une preuve d’amour d’une fille à sa mère disparue. Les sentiments se mélangent mais Jacqueline de Romilly les fait revivre, pose son regard d’adulte sur l’enfant qu’elle a été, sur l’enfance qu’elle a vécue, sur cette mère-courage qui l’a élevée. Dans l’écriture de cette femme, tout est évoqué avec retenue, tout est suggéré et la profondeur des sentiments en ressort davantage : admiration, reconnaissance, affection. S’ajoute à cela, tous ces petits riens, ces moments fugaces où une intimité se crée avec celle qui vous a enfanté. Ce sont ces moments privilégiés, ces discussions banales ou enflammées qui ont formé la jeune Jacqueline. Elle les évoque avec une nostalgie heureuse, avec un souffle protecteur et bienveillant. A travers Jeanne, Jacqueline de Romilly fait son propre portrait, par touches successives, avec toujours un point de vue sur ces contemporains et sur l’évolution de notre société.

Ce livre est une parenthèse intime, que nous offre Jacqueline de Romilly. Son style fluide nous fait vagabonder à la découverte de sa mère. Heureuses découvertes que ces mots désuets trouvés au détour des phrases. Sourires en coin sur les lèvres des lecteurs lorsque cette femme émérite qualifie notre société et imagine son évolution (et parfois ses dérives)…

Il reste, la dernière phrase lue, ces jolies lignes transmises d’une fille à sa mère, ces deux portraits de femmes au grand cœur et au destin atypique, cette foi en la volonté, et une définition universelle et humaniste de la vie.

1 commentaire:

leiloona a dit…

Ah ben, comment ne pas le noter ?
Forcément. ;)